Depuis plus de trois décennies, Zohra Sedik est en première ligne du combat pour les droits des femmes au Maroc. Vice-présidente de la Fédération des Ligues des Droits des Femmes (FLDF), elle incarne la détermination et l’engagement inébranlable d’une génération qui refuse les inégalités. “Chaque avancée est une bataille, mais nous ne pouvons pas nous permettre de reculer”, affirme-t-elle avec conviction.
Professeure de français de formation, son engagement militant débute dès l’université, au sein des mouvements étudiants et syndicaux. Très vite, elle comprend que le combat pour les droits des femmes ne peut être dissocié de la lutte pour une société plus juste et égalitaire. C’est cette conviction qui la pousse à fonder la FLDF en 1993, avec une mission claire : faire de l’égalité une réalité vécue et non une promesse creuse.
La FLDF : Un Engagement sur Tous les Fronts
Depuis sa création, la FLDF est un pilier du militantisme féministe au Maroc. Son action se déploie sur plusieurs axes essentiels :
- Un Accompagnement au Plus Près des Femmes : Dans ses centres d’écoute et d’orientation juridique, la FLDF reçoit chaque jour des femmes victimes de violences, souvent démunies face à un système judiciaire inadapté. “Derrière chaque dossier, il y a une femme, une histoire, une souffrance… mais aussi une force incroyable”, confie Zohra Sedik. En plus de cet accompagnement, l’association mène des campagnes de sensibilisation, forme des jeunes et initie des programmes pour autonomiser économiquement les femmes, en particulier en milieu rural.
- Un Plaidoyer pour une Réforme en Profondeur : La FLDF a été un acteur clé dans la réforme du Code de la famille en 2004, une avancée majeure, mais insuffisante. Aujourd’hui encore, des lois discriminatoires persistent, freinant l’émancipation des femmes. “Nous ne pouvons pas nous contenter de demi-mesures”, insiste Zohra. La FLDF ne se contente pas d’agir au niveau national ; elle porte aussi ses revendications sur la scène internationale, notamment auprès de la Commission CEDAW et du Conseil des droits de l’Homme.
Si des progrès ont été réalisés, les résistances sont fortes. Les courants conservateurs opposent un blocage constant aux réformes nécessaires. “Mais nous avons appris à tenir tête, à ne jamais lâcher”, affirme Zohra avec détermination.
Ajyal Égalité : Un Tournant Stratégique
Grâce au projet Ajyal Égalité, la FLDF a élargi son champ d’action en intégrant une nouvelle approche : agir directement sur les politiques publiques locales. Plutôt que de se limiter aux revendications nationales, l’association s’est investie dans la transformation des politiques régionales.
L’un des résultats les plus marquants a été l’intégration de l’approche genre dans le Programme de Développement Régional (PDR) de Marrakech. “C’est une avancée décisive. Nous avons pu influencer les décisions locales afin qu’elles prennent en compte les besoins spécifiques des femmes”, se réjouit Zohra Sedik. Ce travail a conduit à la publication de deux avis consultatifs essentiels, avec un troisième en préparation.
Ajyal Égalité a ainsi permis d’amorcer un changement durable, en ancrant la question de l’égalité dans les instances locales. Une approche qui pourrait inspirer d’autres régions et créer un précédent à l’échelle nationale.
Mais au-delà des réformes institutionnelles, l’impact d’Ajyal se mesure aussi à l’échelle individuelle. Grâce aux formations et aux campagnes de sensibilisation, de nombreuses femmes ont trouvé la force de sortir du silence, de revendiquer leurs droits et de s’impliquer dans la vie politique et économique locale. “Ajyal nous a donné les outils pour structurer notre plaidoyer, pour être plus efficaces et stratégiques dans notre combat”, explique Zohra.
Après Ajyal : Poursuivre le Combat
Alors que le projet Ajyal Égalité touche à sa fin, la FLDF est bien décidée à poursuivre cette dynamique. “Nous avons posé les bases, mais le combat continue. Notre objectif est de pérenniser ces acquis et de les étendre à d’autres régions”, explique Zohra.
L’association compte capitaliser sur cette expérience pour influencer davantage les politiques locales et nationales. “Nous ne voulons pas d’une égalité de façade. Nous voulons une égalité vécue, qui transforme la vie des femmes, qui leur donne un réel pouvoir de décision”, martèle-t-elle.
Dans les mois à venir, la FLDF ambitionne de multiplier les actions de plaidoyer auprès des instances locales et nationales, de renforcer le réseau d’associations partenaires et d’explorer de nouvelles pistes de financement pour poursuivre ce travail de terrain. “Ajyal a été une étape cruciale, mais nous devons aller plus loin. Nous avons vu que le changement est possible, et nous ne laisserons pas cette dynamique s’essouffler”, affirme-t-elle avec conviction.
Pour Zohra Sedik et la FLDF, l’avenir se dessine avec la même énergie et la même détermination qui ont porté leur combat depuis plus de trente ans. Le chemin est encore long, semé d’embûches, mais elles savent que chaque avancée, aussi minime soit-elle, rapproche les femmes marocaines d’une égalité véritable. “Nous avons fait bouger les lignes. Maintenant, il faut s’assurer qu’elles ne reculent jamais.”
